Le président français Emmanuel Macron a tweeté « Être soi-même n’est pas un crime »
en janvier lorsqu’il a salué une nouvelle loi contre les « thérapies de conversion ».
Les détracteurs de cette loi estiment qu’elle risque de consacrer le changement de genre médicalisé.
Une organisation médicale française a sonné l’alarme face à une augmentation, semblable à une épidémie, du nombre de jeunes gens cherchant à obtenir des prescriptions hormonales
Les grandes lignes
L’Académie nationale de médecine française a rejoint le courant international de mise en garde contre la médicalisation du changement de genre chez les mineurs.
L’Académie, qui conseille le gouvernement français en matière de santé, met en garde les médecins contre l’augmentation à l’allure d’épidémie du nombre de mineurs cherchant à obtenir des traitements hormonaux, le risque de surdiagnostic et le possible rôle de l’immersion dans les médias sociaux.
« Une grande prudence médicale doit être de mise chez l’enfant et l’adolescent, compte tenu de la vulnérabilité, en particulier psychologique, de cette population », indique l’académie dans une déclaration appuyée par un vote majoritaire de ses membres le mois dernier.
L’Académie affirme que les traitements hormonaux et les interventions chirurgicales connus sous le nom de « soins d’affirmation du genre » — dont les résultats sont censés imiter le corps du sexe opposé désiré par les jeunes qui s’identifient comme transgenres — peuvent entraîner « de nombreux effets indésirables, voire des complications graves » [dont] le risque de stérilité.
Elle souligne le besoin d’un soutien psychologique pour les jeunes et les familles, et conseille aux parents de rester « vigilants » quant à l’utilisation excessive des médias sociaux par leurs enfants.
L’Académie cite la décision prise en mai 2021 par l’hôpital pour enfants Astrid Lindgren, qui fait partie du célèbre complexe médical Karolinska à Stockholm, de cesser l’utilisation systématique des bloqueurs de puberté et des hormones sexuelles croisées pour les mineurs.
L’autorité de l’Académie est morale, plutôt que juridique, mais son intervention est considérée comme significative dans le cadre du débat public croissant sur les cliniques de genre pour les jeunes en France.
Son appel à la prudence pourrait influencer la mise à jour d’une directive médico-légale sur les traitements que la Haute Autorité de santé française est en train d’élaborer.
Note : Pour les reportages plus longs, j’essaierai de les diviser en deux parties, soit un résumé, Les grandes ligne, pour les lecteurs qui veulent avoir un aperçu de l’essentiel, et Le détail, pour ceux qui ont le temps de lire les petits caractères. BL
Le détail
L’éminent psychiatre et chercheur français, le professeur Bernard Golse, a salué la position de l’Académie de médecine comme étant « sage ».
« Enfin, [nous avons] une position de prudence et d’écoute à l’heure de la précipitation et de l’exploitation médiatique », a déclaré le professeur Golse, ancien chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris, à GCN.
Les premières consultations de la clinique de genre pour les mineurs ont débuté en 2013 dans les hôpitaux parisiens Pitié-Salpétrière, la Fondation Vallée et Robert Debré, selon l’avocate Dre Aude Mirkovic, une spécialiste du droit de la famille et de la bioéthique.
Plusieurs autres grandes villes françaises ont depuis ouvert des cliniques, mais il n’existe pas de données fiables disponibles concernant les patients, et les sceptiques de la médicalisation sont attaqués comme « transphobes ».
En 2013, la région parisienne d’Île-de-France comptait environ 10 références par an pour des jeunes gens, mais aujourd’hui, c’est plutôt 10 par mois, a-t-on appris lors d’une conférence organisée en 2021.
Dre Mirkovic, directrice juridique de l’organisation Avocats pour l’enfance, affirme que de récents rapports médiatiques estiment qu’il y a environ 600-700 mineurs suivis par les cliniques hospitalières spécialisées.
« Si l’on ajoute les consultations ouvertes dans neuf autres hôpitaux en dehors de Paris, on peut estimer que bien plus d’un millier d’enfants sont actuellement suivis en France », a-t-elle déclaré.
« Cependant, ce chiffre ne concerne que les enfants suivis dans les hôpitaux ».
Dre Mirkovic affirme qu’il y a eu « une véritable propagande en faveur de l’identité trans chez les enfants » promue par les grands journaux et les chaînes de télévision, à laquelle s’ajoute l’influence trans des médias sociaux et des visites de militants dans les écoles.
« La moindre réserve sur cette soi-disant identité trans autodéterminée est rapidement qualifiée de “transphobe” », dit-elle.
Elle dit que l’intervention de l’Académie de médecine en faveur de la prudence est « très précieuse » pour les groupes comme le sien qui cherchent à protéger les enfants et les adolescents de l’idée médicalisée d’une « utopie de genre ».
Elle espère que cette nouvelle prise de position contribuera à briser la résistance envers un débat libre et ouvert sur une question qui touche les enfants vulnérables.
« Chacun peut se faire sa propre opinion, mais il est nécessaire que les gens aient accès à la réalité, et non aux images idéalisées véhiculées par les comptes rendus des militants. »
Directive en jeu
La position de l’académie de médecine est considérée comme un important correctif à une campagne émotive et déséquilibrée menée en France faisant la promotion la médecine de genre auprès des mineurs.
Cette prise de position arrive à point nommé, car la Haute Autorité de santé, qui donne des avis scientifiques indépendants aux organismes publics, révise actuellement son guide médico-légal de 2009 intitulé « La prise en charge médicale du transsexualisme ».
Il sera difficile pour les experts chargés de la mise à jour de ce guide d’ignorer les préoccupations exprimées par l’Académie de médecine, selon la psychiatre Claire Squires, maître de conférences à l’Université de Paris.
« Ils doivent être plus prudents, dans ce qu’ils disent [dans la directive] », a déclaré la Dre Squires à GCN.
Dre Squires fait partie des 50 professionnels de la médecine, du droit et de l’éducation, féministes et intellectuels, qui ont signé un article d’opinion paru en septembre 2021 dans le magazine d’information français L’Express, pour protester contre l’idéologie du genre et « le rapt de l’enfance ».
Les signataires de l’article, associés à un groupe de surveillance appelé La Petite Sirène, ont fait valoir que la fausse idée du « genre autoproclamé » engagerait les enfants sur la voie d’une médicalisation à vie, empêchant le développement normal de l’adolescence et allant à l’encontre de la réalité biologique.
Dre Squires a déclaré que le groupe La Petite Sirène avait demandé à l’autorité nationale de santé de prendre part au projet de directive, mais qu’il n’avait reçu aucune réponse.
Cependant, le groupe a une rencontre prévue le mois prochain avec certains membres du comité de l’Autorité sur la question plus circonscrite des « problèmes sociaux » associés à la dysphorie de genre chez les jeunes.
Selon la Dre Squires, la prise de position de l’académie de médecine est un défi de taille à la perception voulant que les bloqueurs de puberté soient un traitement courant.
Mais elle estime que la position de l’Académie est faible comparée à la nouvelle politique du Conseil national suédois de la santé et du bien-être, selon laquelle les bloqueurs de puberté et les hormones sexuelles croisées ne devraient être administrés que dans des cas « exceptionnels », qui échappent aux recherches.
On ne sait pas très bien ce que l’Académie entend par « grande prudence », dit la Dre Squires.
Grand écran
Le groupe La Petite Sirène a été formé l’année dernière en réaction à la projection du documentaire Petite Fille (2020), qui a lancé le premier débat sérieux sur les « enfants trans » en France.
Le film dresse le portrait de Sasha, 8 ans, un garçon biologique qui s’identifie comme une fille, et qui se voit diagnostiquer une dysphorie de genre, une détresse découlant d’un sentiment de conflit entre le sexe biologique et un sentiment intérieur d’« identité de genre ».
Ce diagnostic, dont la prochaine étape consisterait à administrer des bloqueurs de puberté, semble avoir été posé sans que l’enfant et sa famille fassent l’objet d’une enquête psychologique approfondie, selon le groupe La Petite Sirène.
« On peut croire que Sasha rêve d’être une fille ; on doute qu’il ait compris ce qu’étaient les bloqueurs de puberté », peut-on lire dans un commentaire publié par La Petite Sirène.
Le groupe de surveillance appelle les cliniciens « à être attentifs au processus de développement propre à l’enfance et à l’adolescence et à prendre le temps avant toute indication de traitement médical ».
La Dre Squires indique que le groupe de la Petite Sirène collaborera avec l’Institut contemporain de l’enfance, qui a été fondé l’année dernière par le psychiatre Professeur Golse comme un véhicule ayant pour mission l’éducation, la recherche et la défense des droits.
« Nous commençons à nous organiser », dit la Dre Squires. Le groupe La Petite Sirène s’est également associé à la Société internationale pour la médecine de genre basée sur des données probantes (SEGM).
Aperçu de la recherche
Une étude menée par des pédiatres endocrinologues de l’hôpital Robert Debré à Paris, couvrant la période 2013-21, a porté sur 216 adolescents, dont deux tiers de filles biologiques s’identifiant comme des garçons.
Un tiers des filles (48) ont subi une ablation des seins par intervention chirurgicale (« la torsoplastie »), la plus jeune ayant 14 ans, selon les diapositives de conférence pour présenter les résultats de l’étude.
Depuis 2017, la préservation de la fertilité — comme la congélation des ovules, du tissu ovarien, du sperme ou du tissu testiculaire — était systématiquement proposée à l’hôpital.
La combinaison des bloqueurs de puberté et des hormones sexuelles croisées est jugée susceptible de stériliser les patients. Selon l’âge et le sexe, certaines procédures de préservation de la fertilité sont expérimentales, sans succès confirmé chez l’humain.
Six hommes et huit femmes de l’hôpital — soit 6,5 % du groupe — ont tenté de préserver leur fertilité.
Un article publié en 2018 dans l’European Journal of Endocrinology, dont la clinicienne française Laetitia Martinerie est auteure principale, affirme que les effets des bloqueurs de puberté (agonistes de la GnRH) sont « totalement réversibles ».
« Si l’adolescent ne souhaite plus de transition hormonale, le traitement peut être interrompu et la puberté physiologique reprendra », précise-t-elle.
Cet article reconnaît que les résultats médicaux à long terme pour les adolescents sous bloqueurs de puberté suivis d’hormones sexuelles croisées sont inconnus.
Ce document de synthèse est cité par l’Académie française de médecine.
Une petite bombe
La Dre Mirkovic, de l’association Avocats pour l’enfance, estime que l’article de L’Express a eu l’effet d’une petite bombe parce qu’il a montré que de nombreuses personnes connues, d’origines et d’opinions politiques diverses, avaient mis de côté leurs différences pour défendre les enfants.
Le groupe La Petite Sirène a publié une déclaration plus détaillée de ses inquiétudes sur son site web, qui a attiré plus de 400 signataires issus d’un large éventail de disciplines.
La professeure Céline Masson et la Dre Caroline Eliacheff, psychanalystes et auteures d’un nouveau livre intitulé La fabrique de l’enfant transgenre, ont affirmé que le changement de genre hormonal et chirurgical chez les mineurs pourrait être « le premier grand scandale sanitaire du XXIe siècle ».
La professeure Masson et la Dre Eliacheff ont apposé leur nom sur l’article de L’Express, tout comme l’éminent pédopsychiatre et psychanalyste Dr Christian Flavigny.
Selon lui, la déclaration de l’académie est ambiguë, elle ne parvient pas à cerner le problème des enfants souffrant de confusion de genre et sa conséquence involontaire est de ratifier la transition hormonale et chirurgicale.
« La raison est que la psychologie est abordée [par l’Académie] comme l’accompagnement nécessaire de la souffrance des jeunes [qui reçoivent un traitement médical], et non comme un soutien pour comprendre, et donc résoudre, cette souffrance », a déclaré le Dr Flavigny, ancien directeur de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris.
Le Dr Flavigny — auteur de l’ouvrage Aider les enfants transgenres : Contre l’américanisation des soins — affirme que l’Académie de médecine a entériné l’idée militante américaine d’« assignation de genre ».
Il déclare que la traduction de « gender » par le terme français « le genre » est trompeuse ; le mot correct serait « le sexe » – et celui-ci ne peut être « assigné », comme si de simples mots dictaient la réalité biologique.
« Le sexe est bien un fait corporel, et ce qui est en jeu dans le développement de la personnalité, c’est que l’enfant puisse s’approprier le corps comme son propre corps », a-t-il déclaré à GCN.
« Cela passe par l’imprégnation du masculin pour le garçon, et du féminin pour la fille, ayant comme fondation de complexes relations avec les parents, notamment le parent de même sexe de l’enfant. »
Selon lui, la culture psychologique française est capable de comprendre la complexité de ce processus, et la confusion des enfants, alors que des militants simplistes affirment à tort que ces enfants sont « nés dans le mauvais corps ».
Mais le Dr Flavigny affirme que la loi française et la politique ministérielle, notamment en matière de scolarité, soutiennent la « fausse voie » de la transition médicale, et qu’elles rendent difficile le travail de soutien des psychologues pour aider les jeunes désorientés à prendre possession du corps sexué que la nature leur a donné.
En janvier, la France était la dernière juridiction en liste à promulguer une loi contre la « thérapie de conversion » qui criminalise les tentatives « de changer ou de supprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre réelle ou perçue d’une personne ».
Les détracteurs de ces lois estiment qu’elles sont trompeuses et risquent d’ancrer le changement de genre médicalisé en supprimant les psychothérapies éthiques et exploratoires pour les jeunes qui s’interrogent sur leur genre.
Une dimension internationale
Le nouvel et très strict encadrement de la médecine des mineurs en Suède n’est pas la seule référence internationale utilisée par l’Académie française de médecine pour appuyer son appel à la prudence.
Pour illustrer la propagation d’allure épidémique de la dysphorie de genre chez les adolescents, l’Académie mentionne le Royal Children’s Hospital de Melbourne, soulignant que le nombre de ses patients est passé d’un seul en 2003 « alors qu’aujourd’hui il en traite près de 200 ».
En fait, l’Académie sous-estime l’augmentation, qui est passée d’un seul nouveau cas en 2003 à plus de 800 en 2021. Au cours de la décennie qui a précédé l’année dernière, les nouvelles références ont été multipliées par cent. [Note : Une version antérieure de ce post indiquait qu’il y avait « une nouvelle référence en 2013 », plutôt qu’en 2003.]
L’Académie française fait également mention des difficultés rencontrées par Tavistock, une clinique de genre pour les mineurs au Royaume-Uni.
Le procès intenté contre la clinique Tavistock par la détransitionneuse Keira Bell a également été suivi par les professionnels français du groupe de surveillance La Petite Sirène.
Et l’Académie, qui affirme que la dépendance aux médias sociaux est le moteur d’« une part très importante » de l’augmentation du nombre de cas dans les cliniques de genre pour les mineurs, cite le document de 2018 sur la « dysphorie de genre à apparition rapide » (Rapid-Onset Gender Dysphoria ou ROGD) de la Dre Lisa Littman, chercheuse américaine en santé publique, qui a évoqué le possible rôle de l’influence sociale en ligne et via les groupes d’amis à l’école.
Depuis que l’Académie a lancé son appel à la prudence, la clinique de genre pour les mineurs Karolinska à Stockholm a fait une notification officielle du grave préjudice subi par le patient « Léo », une femme biologique qui s’identifie comme un homme ayant développé une ostéoporose à l’issue de quatre ans de prise de bloqueurs de puberté. L’émission de télévision suédoise Mission : Enquêter, l’équipe à l’origine de la série Trans Train, a signalé plusieurs cas de blessures subies à la clinique Karolinska.
Les adultes responsables
Dre Mirkovic, du groupe Avocats pour l’enfance, affirme que, selon la loi française, le consentement parental est nécessaire pour la transition médicale d’un mineur, le consentement de ce dernier sera également consigné s’il est apte à participer à la décision.
Mais selon elle, le seul consentement d’un enfant compétent ne suffit pas et « n’exonère en rien les adultes de leur propre responsabilité ».
« Si l’enfant reproche un jour aux parents les actes médicaux effectués et les traitements administrés, ils ne pourront pas se retrancher derrière le consentement de l’enfant », dit-elle.
« Cela concerne aussi bien les parents que les médecins, qui pourraient être tenus pour responsables si un jour l’enfant regrette les actes effectués. »
Dre Mirkovic a déclaré que son groupe est apolitique, non religieux et cherche à défendre les droits des enfants, par exemple en travaillant sur la législation ou en engageant des actions en justice.
Elle dit que le groupe a perdu le compte du nombre d’articles de presse et des émissions présentant la transition de genre pour les mineurs comme le « chemin du bonheur ».
« Ces émissions provoquent de l’émotion car ces enfants et adolescents sont très touchants », dit-elle.
« Le problème n’est pas ce que ces enfants demandent, le problème est la réponse des adultes à ces demandes ».
« Les médias promeuvent clairement la consigne : les bons parents soutiennent le parcours trans de leurs enfants, y compris les traitements médicaux. »
« Nous pensons que c’est un mensonge de laisser un enfant croire qu’un garçon peut devenir une fille, ou qu’une fille peut devenir un garçon. »
« Un garçon ne devient pas une fille grâce aux hormones, et on ne peut pas changer une fille en garçon en lui enlevant ses seins ».
« La responsabilité des adultes est d’aider les enfants à s’accepter et, si possible, à s’aimer tels qu’ils sont, et non tels qu’ils s’imaginent être. »
Note : GCN a demandé des commentaires à l’Association professionnelle européenne pour la santé des personnes transgenres, au groupe de pression Inter-LGBT basé à Paris, au Dr Martinerie et au Royal Children’s Hospital de Melbourne.
Original: GCN – La médecine de genre présente un « risque de stérilisation »