Devenir un garçon si l’on est fille ? Devenir une fille si l’on est un garçon ? Peut être une fausse solution à un mal-être adolescent, aux causes multiples. Le collectif Ypomoni demande un encadrement législatif des transitions médicales de mineurs.
La dysphorie de genre est une souffrance liée au sentiment d’appartenir à l’autre genre, par rapport à son sexe de naissance. Le collectif « Ypomoni [qui signifie patience, en grec, NDLR] – Pour une approche éthique des questions de genre » rassemble parents et soignants concernés par les transitions médicales de mineurs. Il interpelle les candidats et demande un encadrement législatif des transitions sexuelles chez les mineurs.
Un phénomène en croissance en France, sans qu’il soit encore évalué statistiquement. Parents, enseignants et médecins sont souvent démunis lorsqu’ils sont confrontés à la demande d’un enfant de changer de sexe. Fondatrice d’Ypomononi, Camille Lebreton expose les enjeux et les conséquences d’une pratique qui est loin d’être anodine.
Comment expliquez-vous l’augmentation des demandes de changement de sexe émanant d’adolescents et parfois même d’enfants ?
L’identité de genre est un concept controversé, mal défini, militant. Mon point de vue personnel – qui n’engage pas celui de tout le collectif – est celui d’une scientifique féministe radicale. Notre sexe est inscrit génétiquement dans chacune de nos cellules. Le genre est un ensemble de normes sociales attachées à chaque sexe, normes qui peuvent évoluer ou qu’on peut envoyer valser. Je peux être une fille, aimer le foot et porter des pantalons sans que ce soit une raison pour changer de sexe.
Depuis la dernière décennie, il y a eu un renversement : le phénomène de dysphorie de genre concerne désormais à 80 % des jeunes filles. En général, les garçons se contentent de transitions sociales et les chirurgies sont assez rares. Il existe indéniablement un effet de contagion, via les réseaux sociaux. L’adolescence correspond à un âge parfois difficile, où l’on se cherche, où l’on remet en question les normes. Notre jeunesse souffre, à bien des égards, elle est confrontée à une pression sur l’apparence physique, à du harcèlement, du cyberharcèlement, des pratiques sexuelles relevant parfois de l’agression que subissent les filles.
Qu’est-ce qu’implique une transition médicale pour un enfant ?
Avant la puberté, les enfants reçoivent parfois des bloqueurs de puberté. À l’adolescence, pour les filles, la testostérone épaissit les cordes vocales et modifie la voix en trois mois, de manière irréversible. Le développement de la pilosité est également définitif, ainsi que la croissance du clitoris qui forme comme un mini pénis. La ligne des cheveux recule. La testostérone entraîne d’autres modifications qui seraient elles réversibles, tels le blocage des règles, la répartition différente de la masse graisseuse et de la musculature.
Cette pratique sur laquelle nous avons peu de recul n’est pas sans risque : elle peut notamment provoquer des cancers de l’utérus et entraîner son ablation. Les bloqueurs de puberté sont également soupçonnés de bloquer la croissance et de déclencher de l’ostéoporose. Après la puberté, il peut être envisagé une mastectomie ou l’ablation du pénis, des testicules, opérations chirurgicales encore rares en France.
En France, une transition médicale est bien soumise à l’autorisation parentale ?
Oui, mais les parents sont victimes de chantage. Quand un professionnel de la santé vous dit « Si vous refusez, votre enfant va se suicider », comment voulez-vous dire non ? Certains parents acceptent donc de bonne foi, dans l’intérêt de leur enfant qui va mal, sans en mesurer toutes les implications. Or ce chantage au suicide est un mythe, comme l’a montré le documentaire suédois « The Trans Train » diffusé en 2019. Attention : je ne nie pas le risque de suicide de ces enfants, qui sont souvent en souffrance, dépressifs, anxieux. Mais il n’est pas évident qu’ils aillent mieux après leur transition.
Pourquoi ?
Le mal-être n’a pas nécessairement pour origine le fait d’être né dans le mauvais corps. La dysphorie de genre disparaît dans 60 à 90 % des cas après l’adolescence. Différentes causes de la dysphorie de genre ont été identifiées, notamment l’homosexualité qui n’est pas une maladie ; l’autisme ou le haut potentiel qui l’un et l’autre entraînent des difficultés à se soumettre à des normes sociales, mais encore la dépression, un traumatisme lié à un antécédent de viol ou, plus rarement, la schizophrénie.
Vous signalez d’ailleurs un phénomène dit de « détransition » à l’international, encore méconnu…
Ce phénomène est décrié car taxé de transphobie, et par conséquent disqualifié d’emblée. Pourtant il émerge en effet. Quatre ans, cinq ans ou dix ans après, le jeune adulte demande « pourquoi m’a-t-on laissé faire ça ? ». En Grande-Bretagne, le cas de Keira Bell est emblématique à cet égard. À 14 ans, elle s’est dite trans. À 16 ans, elle a obtenu des hormones ; à 18 ans, une ablation des seins. Et à 20 ans, elle a intenté un procès à la clinique. Désormais, en Grande-Bretagne, les médecins engagent leur responsabilité dans les transitions.
Comment réagir, en tant que parents, lorsque son enfant demande à changer de sexe ?
Quand un enfant souffre d’une dysphorie de genre, la première réaction doit être une psychothérapie bienveillante et non affirmative. Il faut laisser le temps à l’adolescent. C’est ce que prévoient désormais l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Arkansas et d’autres états américains. La Suède, la Finlande et le Royaume-Uni ont fait machine arrière et interdit les bloqueurs de puberté et les transitions hormonales chez les mineurs.
Vous alertez les candidats et les élus à ce sujet. Que demandez-vous comme encadrement législatif ?
Notre collectif appelle à adopter les mêmes pratiques que la Finlande : pas de transition avant la majorité. Lorsqu’un enfant va mal, que son mal-être soit traité en priorité. Sa parole doit être entendue, accueillie avec bienveillance, mais doit rester la parole d’un enfant. Cet accompagnement psychologique devrait durer au moins deux ans et aboutir à une évaluation scientifique pluridisciplinaire avant toute décision d’ordre médical.
Notre collectif n’est pas opposé dans l’absolu aux transitions à l’âge adulte. Quel consentement éclairé un enfant peut-il donner, alors qu’on sait aujourd’hui qu’un cerveau n’est mature qu’à 25 ans ? Et nous demandons enfin que ces transitions aient lieu dans le cadre d’un protocole hospitalier afin d’éviter l’ouverture d’un marché dont profiteraient les cliniques privées. Aux États-Unis, ce phénomène est une réalité : ces cliniques lucratives sont passées de une à 300 en quelques années.