Publié le 29 septembre 2022
par Colin Wright
Traduction : Nicolas Casaux
Original: Le Partage – Les « garçons manqués » sont des filles réussies, nul besoin de les médicaliser
Traduction d’un article de Colin Wright (biologiste de l’évolution états-unien) paru le 22 septembre 2022 à l’adresse suivante.
Le changement terminologique à l’origine de la pression pour « traiter » la non-conformité au rôle socio-sexuel par la chirurgie ou les hormones.
Le nombre de jeunes Américains qui se décrivent comme « transgenres » a explosé au cours de la dernière décennie. Il s’est vu multiplié par un facteur de 20 à 40, selon les données d’orientation des cliniques spécialisées dans les questions de genre et un récent rapport du Williams Institute basé sur les enquêtes des Centers for Disease Control and Prevention (les « Centres pour le contrôle et la prévention des maladies », qui forment ensemble la principale agence fédérale des États-Unis en matière de protection de la santé publique, NdT). Pourquoi ? Jody Herman, auteur du rapport, qualifie cette question de « déconcertante ». Erica Anderson, psychologue clinicienne, a affirmé sur Twitter que cette augmentation « défie toute explication. […] Il se passe quelque chose que nous ne comprenons pas encore. »
Prescrire des interventions chirurgicales et des médicaments aux effets irréversibles pour le corps à des enfants — pour la raison qu’ils ne s’y conforment pas — est un scandale médical d’une ampleur effrayante.
Les deux principales explications avancées sont une plus grande acceptation et une contagion sociales. Les deux sont probablement des facteurs contributifs, mais je pense que la raison principale est plus simple. Elle se résume à un changement de terminologie.
Jusqu’à récemment, le terme « transsexuel » faisait référence aux personnes qui s’identifient au sexe opposé, qui ont un désir d’être du sexe opposé ou même un diagnostic de dysphorie de genre. Le terme « transgenre », désormais privilégié, est beaucoup plus large. Il englobe la simple non-conformité aux rôles socio-sexuels traditionnels rigides (c’est-à-dire la non-conformité à la masculinité pour les garçons/hommes et à la féminité pour les filles/femmes ; en français, on parle désormais de « variance de genre » ou de « non-conformité de genre » (NdT)). Si vous êtes un « garçon manqué » ou un (vrai) garçon efféminé — si votre expression ou votre comportement diffère de ce qui est « typiquement associé » à votre sexe sur la base des « attentes traditionnelles » — vous êtes transgenre. Pas étonnant que tant de jeunes s’imaginent avoir besoin d’une aide médicale afin de « corriger » leur sexe.
Cette idée est propagée par d’importantes organisations scientifiques et médicales :
- Le planning familial [Planned Parenthood, l’équivalent états-unien du planning familial, NdT], qui fournit des services aux patients transgenres dans tous ses établissements, se décrivait lui-même en 2020 comme le « deuxième plus important fournisseur américain de soins hormonaux d’affirmation du genre ». Son site web définit le « genre » comme « un statut social et juridique, et un ensemble d’attentes de la société, concernant les comportements, les caractéristiques et les pensées » et affirme qu’« il s’agit plutôt de la façon dont on attend de vous que vous agissiez, en raison de votre sexe ». La « binarité de genre » est définie comme « l’idée selon laquelle le genre est strictement une option de type mâle/homme/masculin ou femelle/femme/féminin basée sur le sexe assigné à la naissance », et la « non-binarité » comme un « rejet de l’hypothèse de la binarité de genre selon laquelle que le genre est strictement une option de type mâle/homme/masculin ou femelle/femme/féminin basée sur le sexe assigné à la naissance ».
- L’American Psychological Association, qui établit les normes de la pratique clinique aux États-Unis, définit le terme « transgenre » comme « un terme générique pour les personnes dont l’identité de genre, l’expression de genre ou le comportement n’est pas conforme à ce qui est typiquement associé au sexe qui leur a été assigné à la naissance ». L’Endocrine Society, la plus ancienne et la plus vaste organisation au monde dédiée à la pratique et à la recherche en médecine hormonale, utilise un langage presque identique. Même chose pour l’American Psychiatric Association, dont la définition de l’« expression de genre » est « la manifestation extérieure du genre d’une personne, qui peut ou non refléter son identité de genre intérieure en fonction des attentes traditionnelles ».
- Le CDC, qui prétend être « la principale organisation fondée sur la science et les données, fournissant des services et protégeant la santé publique », définit le terme « transgenre » comme « un terme générique pour les personnes dont l’identité ou l’expression de genre (masculin, féminin, autre) est différente de leur sexe (homme, femme) à la naissance ».
Les hôpitaux ne font pas mystère de leur médicalisation de la non-conformité. Le Programme de santé d’affirmation du genre de l’université de Californie à San Francisco propose des considérations relatives à la « transition hormonale et chirurgicale » pour « les personnes qui ne vivent pas dans le cadre de la binarité de genre », ce qui comprend, selon eux, les personnes qui s’identifient comme « genderqueer, non-conformes de genre et de genre non-binaire ». L’hôpital pour enfants de Chicago affirme que ses patients comprennent des « enfants expansifs de genre ou non conformes au genre », qu’il définit comme « des enfants et des adolescents qui présentent un comportement atypique du sexe qui leur a été attribué à la naissance ».
La pratique consistant à assimiler non-conformité aux rôles socio-sexuels et transgenrisme s’est développée progressivement, par le biais d’un processus réglementaire compliqué impliquant des décisions de justice et des directives bureaucratiques édictées sous l’influence de groupes de pression militant en faveur des « droits des trans ». Emprunté au mouvement juridique des femmes, le concept de la non-conformité a été conçu au début des années 2000 et consolidé pendant l’ère Obama afin de permettre aux juges et aux bureaucrates de l’Office fédéral des droits civils de contourner les procédures d’élaboration des règles et de forcer les écoles, sous peine de violer le Titre IX, à s’en remettre à l’auto-déclaration de genre de leurs élèves.
Nous devrions faire preuve de compassion et d’acceptation à l’égard des enfants non-conformes aux stéréotypes socio-sexuels traditionnels. L’idéologie transgenre fait le contraire. Lorsqu’un enfant se déclare transgenre, s’ensuit souvent une visite dans une clinique spécialisée dans le genre, où un thérapeute pratiquant l’« affirmation de genre » pourra lui prescrire des bloqueurs de puberté, des hormones de l’autre sexe et même une intervention chirurgicale afin de « réparer » ce décalage perçu entre « l’identité de genre » (c’est-à-dire les rôles et stéréotypes socio-sexuels conventionnels, la masculinité ou la féminité) et le sexe biologique de l’enfant.
Sur le seul plan conceptuel, il s’agit d’une régression extrême. Cela équivaut à rejeter des décennies de travail des militantes pour les droits des femmes qui, à juste titre, ont combattu les idées sexistes et oppressives que constituent les rôles socio-sexuels traditionnels et se sont battues afin de permettre aux individus qui ne s’y conforment pas de ne pas subir de stigmatisation sociale. Prescrire des interventions chirurgicales et des médicaments aux effets irréversibles pour le corps à des enfants — pour la raison qu’ils ne s’y conforment pas — est un scandale médical d’une ampleur effrayante.